La nuit était tombée sur le village. Une lune rousse transperçait difficilement la brume silencieuse et sournoise, s’infiltrant péniblement entre les lamelles mal ajustées des persiennes.
Allongé sur le lit, j’espérais un sommeil qui se faisait attendre. Non pas en raison des stigmates de la veille, provoqués par les échauffourées successives avec jball et handeur02, mais par l’absence qu’il fallait devoir supporter du maître de guerre. Bien que n’ayant que très peu parcouru la lande avec lui, je suivais ses exploits qui se répandaient comme une traînée de poudre sur Alidhan, relayés par des crieurs éloquents. L’homme forçait l’admiration de tous et son départ me peinait.
Pour effacer la douleur, rien de tel qu’un petit remontant.
J’enfilai une houppelande bleue bordée de rouge, pourvue de larges manches et doublée de fourrure, y fourrait pipe et chamallas et pris la direction de la taverne. Afin de ne réveiller personne, en réalité je ne souhaitais guère de compagnie, j’empruntai les escaliers en me laissant glisser sur la balustrade, puis marchai sur la pointe des pieds jusqu’au lieu dit. Je ne sais encore pourquoi mais Katel ne m’avait pas encore confisqué les clés du beuglant et l’ouverture en silence de la porte fut chose aisée. J’étais coutumier du fait.
Le feu tenait encore bien la braise, Jarl trônait au dessus comme pour mieux me narguer. Tisonnier en main, je frappai les bûches pour en faire voler quelques flammèches et conjurer tout mauvais sort .Je décidai de m’installer dans le fauteuil de cuir défoncé que notre ami répugnait, bourrai Kossuth, ma pipe d’écume de mer, l’attisai à m’en faire péter les poumons, débouchai un jéroboam du calva que nous avions distillé l’année précédente, il ne m’en fallait pas moins et commençai à le boire au goulot. J’avais beau écluser, la nostalgie ne s’évanouissait guère et restai encore trois bonnes heures bouteille en main à ressasser son départ.
L’ivresse n’y faisait rien, le sommeil m’avait définitivement faussé compagnie et j’avais encore dans mon sac, ses effets personnels qu’il fallait que je remette dans la matinée, en main propre à Gribouille et Amalia…